Frédéric Duger : dans le vent des ancêtres
La tradition ne se perd pas dans la famille Duger. C’est pourquoi Frédéric vient de remporter l’Orange Bowl.
Michel DUGER, le père, plâtier comme le grand père, était un golfeur clandestin qui habitait au quartier du Gaz, le long du quatrième trou de Biarritz, et qui se glissait sur le parcours à la nuit tombante. C’est uniquement par mimétisme, en observant les meilleurs driveurs du Phare, qu’il se procura ce swing léger et suave que vingt professeurs parmi les meilleurs seraient encore contents de pouvoir vous montrer.
Frédéric, son fils, n’avait pas six ans lorsque Michel Duger, en coupant le manche par la moitié, lui confectionna son premier putteur. On a déjà entendu la même histoire, le même conte. C’est Frédéric Duger, le fils du platier de Biarritz, qui vient de gagner l’Orange Bowl en Floride. Reste à savoir si la suite sera la même que pour Bernhard Langer, le fils du maçon d’Anhausen…
Par bonheur, comme pour Sandrine Mendiburu l’an dernier, le père noël du golf est passé dans une famille, dans une filière où l’on n’a pas attendu l’engouement actuel pour connaitre le jeu et sa musique. On ne se berce pas d’illusions au pays d’Arnaud Massy.
« On fait des romans pour rien », dit Michel Duger en parfait honnête homme. « On appelle Championnat du monde n’importe quel tournoi pour enfants. L’important, c’est le premier français qui gagnera un Open européen, voilà tout. Celui-là, oui, il va ramasser le jackpot… » Et il ajoute, droit dans les yeux de son fils : « Mais celui-là, est-ce qu’il est seulement né ? »
Décidément Frédéric Duger, à seize ans, est en de bonnes mains, il est dans un bon coin, dans un bon club, et l’on ne voit pas où il pourrait mieux continuer de grandir. Il a déjà travaillé avec Pierre Dufourg, Jésus Arruti, Olivier Léglise, maintenant c’est avec Philippe Mendiburu, le responsable à Ilbarritz d’une ribambelle d’espoirs.
Physiquement, il est pris en main par Alain Marot, l’ouvreur briviste du quinze de France, désormais établi à Biarritz. Henri Forgues, le président du golf municipal, l’a fait inscrire au golf-études de tennis. Bref, depuis que Jackie Labenne, alors capitaine des jeux, avait ouvertles cours du dimanche pour les gamins, Frédéric Duger a toujours été entouré à Biarritz d’une véritable conspiration de bons maîtres et de petits copains.
« Ce qu’il a de plus remarquable, affirme Olivier Léglise, c’est le don de s’amuser énormément sur un parcours de golf. Ça, j’y tiens beaucoup, insiste Michel Duger. Pour passer des heures sur le putting green, il faut d’abord trouver ça amusant. »
Le fait est que l’intérêt purement ludique du golf est trop souvent étouffé par une technicité à outrance. Philippe Mendiburu y veille énormément. « J’irai plus loin, dit Alain Marot. Frédéric est tellement doué pour le jeu (en football aussi) que le danger pour lui est de se perdre dans sa facilité. Il doit comprendre que l’avenir pour lui passe en particulier par une sérieuse préparation athlétique. »
C’est pourquoi une journée ordinaire de Frédéric Duger, qui vient de grimper soudainement à 1.77m de taille, comprend toujours une heure de footing, de musculation ou de sophrologie. La pratique quotidienne du golf l’amène aussi bien à Chiberta, à Seignosse, où il a trouvé le parcours étroit et boisé, également fréquenté par Olazabal, qui le prépare aux tests golfiques les plus ardus.
De son propre aveu, il a gagné l’Orange Bowl parce qu’il a mieux joué dans le vent que les Américains. Frédéric Duger n’est que les Américains. Frédéric Duger n’est pourtant pas bien épais. Mais lorsqu’Arnaud Massy, à la surprise générale, gagna le British Open en 1907, l’explication des Anglais fut la même, à savoir que ce joueur basque avait appris à jouer dans le vent sur le plateau du Phare…
Denis LALANNE